Pour fonder un couple, on insiste de nos jours sur la nécessaire maturité des partenaires. Je trouve cela très étonnant. Je pense au contraire que c'est la vie en couple qui les fait mûrir.
La marche s'apprend en marchant. Pour qu'un bébé y parvienne, il suffit que ses muscles soient ceux, en bon état, de son âge. Le nourrisson s'entraîne. L'entourage trouve normal qu'il tombe un nombre incalculable de fois. Pourtant, ses chutes sont douloureuses. Il ne viendrait pas à l'esprit d'exiger qu'il soit assez mûr pour marcher comme vous et moi, les adultes.
De même, qui d'entre nous savait vraiment conduire le jour où il a eu son permis? Conduire s'apprend en conduisant. L'Etat envoie donc des dizaines de milliers d'immatures chaque année sur les routes, et nous en avons fait partie autrefois...
Avec un système affectif et hormonal en bon état, les jeunes peuvent avoir facilement le "permis de famille". Bien sûr, de même qu'il existe des enfants arriérés moteurs incapables d'apprendre à marcher, il existe des jeunes arriérés affectifs. Ces immatures profonds sont irresponsables et incapables de subvenir aux besoins d'une famille. Ils sont une minorité que leur handicap marginalise et amène à la consultation du psychiatre.
Pour se marier, il faut un peu de passion et un zeste d'inconscience: il faut de l'enthousiasme, qui est une qualité de l'enfance. Avoir su la garder à travers l'adolescence témoigne que l'on sort d'une famille épanouie.
Pour avoir le "permis de famille", les candidats n'ont nul besoin d'être adultes. En revanche, ils doivent savoir qu'en se mariant, ils entrent dans l'âge adulte. Ils ont la volonté de répondre aux nécessités de celui-ci, au fur et à mesure qu'elles se présenteront à eux. Ils sont conscients que les responsabilités n'arrivent pas toutes ensemble: le cycle de la vie les amène chacune en son temps, ce qui aide à les assumer. Il n'est demandé à personne de jouer à Superman. Le lendemain de son mariage, on ne réclame pas du jeune homme qu'il soit simultanément une bombe sexuelle, un père attentif, et un cadre performant. On ne réclame pas de la jeune fille d'hier qu'elle soit instantanément une maîtresse de rêve, une mère parfaite, avec un travail formidable et une maison bien tenue.
Extrait de "Etre heureux en famille" du Dr Dominique Megglé, Editions Droguet-Ardent, 1995